Et si c’était toi demain ?
VOYAGE CORSE & ITALIE 2025
Ils étaient six pilotes de l’ACRIV , réservoirs pleins et têtes dans les nuages. Trois avions légers – deux Cessna 172 et un Robin DR400 – alignés sur le tarmac de Rennes-Saint-Jacques pour un périple aérien hors du commun. À leurs commandes : une jeune patrouille de passionnés, d’une moyenne d’âge d’à peine 30 ans, complices par l’amitié, liés par l’aviation.

Parmi eux, un tout nouveau breveté, à peine 18 ans, les ailes encore toutes fraîches, mais le regard déjà ancré dans l’horizon. Une première grande nav pour lui, et un projet fou pour tous : relier Rennes à la Corse, survoler la Méditerranée jusqu’à l’île d’Elbe, puis revenir par les côtes et les montagnes, en se jouant du vent, du temps, et des imprévus.
Ce voyage, c’est un récit de navigation, mais aussi une histoire d’équipe, d’instinct, de météo capricieuse, de décisions mûries en vol, et de rires partagés au sol. Une aventure en trois machines, mais un seul souffle : celui de la liberté qu’offre le ciel à ceux qui osent s’y aventurer.
Le voyage commença par un briefing matinal à l’aérodrome de Rennes-Saint-Jacques. Le ciel était dégagé, la météo parfaite pour un départ en VFR. Trois avions, alignés sur le tarmac : deux Cessna 172, fidèles et stables, et un DR400, plus nerveux, élégant dans sa livrée blanche et bleue. Les plans de vol déposés, les pleins faits, les intercoms synchronisés : tout était prêt pour cette aventure à travers la France et jusqu’au cœur de la Méditerranée.
L’envol se fit léger, grisant. Très vite, Rennes s’effaça sous nos ailes et la campagne bretonne déroula ses patchworks verts et ocres. Nous longions la Loire à altitude modérée, profitant des paysages tout en restant en contact radio, chacun maintenant sa position en formation souple. Une première escale carburant fut prévue à Brives.

Après une pause déjeuner et un changement de pilote sur l’aérodrome de Brives, cap plein sud. Le paysage changeait : les forêts denses faisaient place aux collines sèches et aux vignobles alignés comme des cordes. La Provence s’annonçait en dessous de nos ailes, lumineuse et dorée. En courte finale sur l’aérodrome de Carpentras-Pernes, la chaleur se faisait déjà sentir à travers les verrières.

Les avions furent garés face au Ventoux, et nous descendîmes avec cette sensation unique du pilote qui vient de traverser la moitié de la France… par les airs. L’escale à Carpentras permit de visiter le club house local et de savourer l’ambiance typique du Sud pour une nuit. Une soirée provençale ponctuée de récits de vol, cartes aéronautiques ouvertes sur la table, et rires complices.
Le lendemain, départ matinal. Les pleins effectués, la météo côtière vérifiée, nous décollions pour une étape ambitieuse : la traversée maritime vers la Corse.

Après avoir contourné Marseille et obtenu le feu vert de la tour pour la traversée VFR vers la Corse (via STP et MERLU), la Méditerranée s’étendit à perte de vue. Le silence radio était ponctué de quelques transmissions techniques et d’un mot émerveillé ici et là : « Regarde cette eau ! », « On aperçoit la côte ! »

L’approche de la Corse fut spectaculaire : falaises blanches, forêts profondes, villages perchés. Propriano apparut, nichée dans le golfe de Valinco, baignée de soleil. Atterrissage sur la piste en bord de mer – une expérience sensorielle intense, odeurs de pin chaud dès qu’on ouvre la verrière.
À Propriano, les avions furent bâchés avec soin, et l’équipage profita d’une pause bien méritée : baignades, camping au TIKI TIKI coucher de soleil sur les falaises. La Corse offrait une escale à la fois sauvage et apaisante.

Après une nuit sur l’île de Beauté, nous préparions une courte mais magnifique étape vers l’Italie. Direction plein est, vers l’île d’Elbe, avec un départ depuis Propriano LFKO vers Marina di Campo LIRJ via une navigation côtière basse altitude (hors zones militaires actives). La mer, plus scintillante que jamais, offrait un miroir mouvant sous les ailes.

En vol, l’île d’Elbe apparaissait comme une émeraude posée sur la mer. Les approches sur l’aérodrome de Campo dell’Elba sont réputées : vent transversal, relief proche, mais paysage à couper le souffle. Une fois posés, les avions furent ancrés solidement sur le petit parking de l’aérodrome, et les sacs de vol laissés pour une exploration plus légère.

Sur Elbe, la journée fu rythmées par la visite des anciens quartiers napoléonien et une baignade sur la plage. L’ambiance italienne, entre douceur de vivre et charme désuet, contrastait parfaitement avec les escales précédentes. Sans compter sur les traditionnelles pizzas italiennes qui nous ont permis de recharger nos batteries.

Le départ de l’île d’Elbe se fit au lever du jour, l’air encore frais, les plans de vol vérifiés. Après une navigation calme au-dessus du littoral toscan, nous remettions le cap à l’ouest, direction la côte française.
Passage sans encombre au-dessus de la Méditerranée. Fréjus, Hyères, puis report au point MERLU, le long du transit côtier VFR. L’ambiance à la radio devenait plus dense, les voix s’accéléraient : trafic en vue, altitude à maintenir, et la mer, toujours là, immense sous nos ailes.

Le transit côtier de la Méditerranée fut splendide. Les villes se succédaient comme des perles : Sète, Agde, Palavas, et enfin la côte languedocienne plus sauvage. Les conditions étaient stables, le vol fluide. Nous laissions les plages derrière nous et mettions le cap vers Rodez, prochaine étape prévue.
En approche de Rodez, tout change : Les sommets du Massif Central étaient noyés dans une couche nuageuse instable, les vents s’étaient levés, les conditions VFR se dégradaient rapidement. Les prévisions étaient plus optimistes qu’elles n’auraient dû. Très vite, il fallut prendre une décision.

Une boucle de reconnaissance au sud-est du terrain, des échanges concis entre pilotes : nous n’insistons pas. La météo ne pardonne pas en montagne.
En concertation, nous décidons de nous dérouter vers un terrain de repli, plus bas en altitude et dans une zone moins affectée. La priorité : la sécurité, le calme, l’expérience. Atterrissage prudent, accueil au sol chaleureux par un gestionnaire curieux de notre itinéraire.
Là, dans un petit aérodrome perdu entre les collines, nous avons passé la nuit imprévue, fatigués, mais soulagés. Un restaurant du coin, des chambres sommaires, et beaucoup de rires autour d’un plat chaud. Les discussions allaient bon train sur la météo, la chance d’avoir réagi à temps, et cette solidarité silencieuse entre pilotes.
Le lendemain, le ciel s’était dégagé. Brume matinale, puis soleil timide. Redécollage après briefing météo sérieux et replanification du dernier tronçon. Le vol retour vers Rennes fut calme, presque méditatif. On survolait la campagne française avec un sentiment de boucle bouclée.
À l’arrivée à Rennes-Saint-Jacques, tout semblait plus familier, plus doux. Les avions étaient posés, les moteurs arrêtés, mais les têtes encore en vol.

Ce déroutement vers l’imprévu, cette nuit forcée, ont fait partie de ce que seul un voyage en avion léger peut offrir : l’humilité face aux éléments, la maîtrise, et une capacité d’adaptation que seuls les aviateurs comprennent vraiment.